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17 février 2016

Andrzej Zulawski : "l'important fut de filmer"

Encore (malheureusement) un hommage à un très grand cinéaste ...




Article du point :

 Le réalisateur polonais et ex-mari de Sophie Marceau, grand romantique derrière son apparente cruauté, est mort des suites d'un cancer.

Zulawski est mort. Sophie Marceau et Isabelle Adjani sont en deuil. Deux de nos plus grandes actrices ont perdu un homme qu'elles avaient aimé ou admiré. Et qui leur avait donné des rôles brûlants. En France, on ne connaissait pas tout Zulawski. La partie polonaise, immergée. Le poète, fils d'écrivain, qui a publié une dizaine de gros livres non traduits, qui a mis en scène du théâtre, de l'opéra. Un puits de culture que nous avions eu la chance de côtoyer lors d'une séance de dédicaces à l'Institut Lumière de Lyon.
En France, on connaît surtout le cinéaste flamboyant, outré, grinçant, allez, osons le mot, hystérique, qui avait envoyé Romy Schneider au bord de la crise de nerfs (L'Important, c'est d'aimer) avant de faire faire des choses folles à Adjani et à Marceau (Possession, L'Amour braque). C'est aussi cela, un réalisateur. Quelqu'un qui propose des choses dingues à des jolies femmes qui n'attendent que cela. Il faut dire que Andrzej Zulawski était beau comme un dieu. Une actrice qui elle-même n'est pas méchante à voir nous l'avait confié un soir au crépuscule. Un jour, dans les années 70, elle avait ouvert la porte à Zulawski et elle avait eu un choc : un ange ! Ou la beauté du diable ?
Au début, Zulawski, c'est un peu un trajet à la Polanski. Bien sûr, il ne s'est pas échappé du ghetto de Cracovie, mais ce fils de l'intelligentsia polonaise arrive jeune en France pour ses études. On est encore à l'époque, révolue, où les Polonais vouent à notre culture une sincère admiration. Après avoir fait ses armes avec la figure tutélaire du cinéma polonais, Wajda – toujours de ce monde, on s'en réjouit –, il rue dans les brancards avec un ou deux films qui après le tour de vis de 1971 ont le malheur de froisser le régime de Varsovie. Un billet pour Paris et ce ravaudeur de scripts – de Broca lui doit quelques améliorations – est jugé si brillant dans son travail sur L'Important, c'est d'aimer qu'on lui propose de réaliser. Dans ce film, tous ses thèmes sont présents : le couple en crise, l'homme ravagé, tiré vers le bas, par ses démons, la passion destructrice, le besoin d'aimer et une intensité des sentiments qu'on avait rarement vue dans notre cinéma. Le Polonais, grand romantique derrière son apparente cruauté, nous fait la leçon et fait souffler un vent de folie. Il était évident qu'il ferait tourner l'incandescente Adjani avant de révéler à son incandescence la jeune Sophie Marceau tout juste sortie de ses premières boums. Échappée libre, échappée belle vers Zulawski de la petite Vic qui allait tourner cinq films avec lui.

Attiré par les gouffres

Dans ses mémoires, Claude Pinoteau racontait comment Sophie Marceau avait rencontré Zulawski au Festival de Cannes où ils présentaient La Boum. Comment aussi un jour Adjani et Marceau s'étaient serré la main en présence de Zulawski. Romantique, le cinéaste l'était. Attiré par les gouffres – Possession, L'Étrangeté, Mes nuits sont plus belles que vos jours –, la guerre des sexes et l'incapacité des couples à demeurer fidèles. À cet égard, La Fidélité (2000), sur leur rupture, allait être leur chant du cygne auquel répondrait, dans un film-miroir, Parlez-moi d'amour (2003), le premier film de Sophie Marceau réalisatrice. "Le film aurait dû s'intituler L'Infidélité", expliqua plus tard Zulawski dans un des deux livres, titré justement L'Infidélité, consacrés à leur mariage et à leur séparation, qui l'avait brisé.
Pour rendre un véritable hommage à Zulawski, il serait bien que son dernier film, Cosmos (avec Sabine Azéma et Jean-François Balmer), sorti en 2015, soit à nouveau visible. Zulawski revenait au cinéma à une culture polonaise dans laquelle il baignait depuis son enfance. Un des chefs-d'oeuvre de l'écrivain Gombrowicz. L'étrangeté d'un moineau pendu à un fil et de deux bouches qui s'attirent. Le chaos à partir duquel tout s'organise. Cruel. Réjouissant. Fin. Intelligent. Avec Zulawski s'en va un morceau de Pologne, de l'amitié franco-polonaise, bref, de la vieille Europe.


Article de Télérama :

Il avait filmé Romy Schneider, Sophie Marceau ou encore Isabelle Adjani. Le cinéaste polonais est mort à l'âge de 75 ans, quelques semaines après la sortie de son dernier film, “Cosmos”.
Armé d'une caméra, un reporter, sur le tournage d'un porno triste, s'approche d'un couple affairé. Et là, soudain, une femme, un rien trop maquillée, mais belle, si belle dans sa détresse, l'interpelle. Elle lui demande de ne pas la filmer ainsi, nue, exhibée, humiliée, parce que « vous comprenez, monsieur, je suis comédienne ». Actrice et non objet de mépris pour voyeurs minables … C'est Romy Schneider, splendide, qui supplie cet homme de lui rendre cette dignité qu'elle est contrainte de vendre et c'est l'une des plus belles séquences de L'Important, c'est d'aimer (1975), la plus grande réussite d'Andrzej Zulawski. Film violent et tendre, tiré de La Nuit américaine de Christopher Frank, sur des solitaires, des révoltés, des tourmentés, prêts, comme Romy Schneider, à se battre pour survive, ou, comme Jacques Dutronc, à se laisser couler, muets de douleur face à la cruauté de la vie.
En Pologne où il naît en 1940, Zulawski a déjà tourné deux films, dont le très déjanté Troisième partie de la nuit (1971). Est-ce parce qu'il tourne en France, pays réputé cartésien, L'Important, c'est d'aimer est d'une étonnante sobriété. Il y a bien quelques moments où Romy Schneider s'énerve, craque et pleure, mais, dans l'ensemble, l'épure règne : étonnant mélange de sensualité et de sensibilité. Moment rare...



 Car, très vite, Zulawski implose, explose. Comme pour se venger des difficultés qu'il a rencontrées en Pologne pour tourner un ovni insensé (et raté) auquel il croit dur comme fer (Sur le globe d'argent), il se lâche. Il hystérise totalement Isabelle Adjani dans un conte maléfique et berlinois intitulé Possession (1981) : médusé par un déferlement de cris et de hurlements, le jury du festival de Cannes décerne à l'actrice le Prix d'interprétation féminine. Ce qui encourage le réalisateur à foncer davantage encore dans la frénésie. Il délire sur Dostoïevski dans L'Amour braque avec Sophie Marceau qui deviendra, un long temps, sa femme et sa muse. Et il massacre totalement le malheureux Moussorgski dans une adaptation contestable et niaise de l'opéra Boris Godounov.
Il garde intact, néanmoins, son univers convulsif, frénétique. Ses films – La Femme publique (1984), Mes nuits sont plus belles que vos jours (1989), Chamanka (1996), La Fidélité (2000) – sont des exercices de style – et quel style ! – sur l'érotisme et la spiritualité. A chaque fois, les mots se bousculent, les personnages s'agitent comme si leur créateur-manipulateur les soumettait à des chocs électriques. En cherchant, avec sa caméra, à attraper au vol des corps à nu et des âmes à vif.
En fait, avec orgueil et panache, Andrzej Zulawski n'aura filmé qu'un seul et même scénario : les efforts éperdus, et constamment vains des pauvres créatures que nous sommes à chercher, au ciel ou dans les bas-fonds, une rédemption possible. Voire même le salut…
C'est dire que son style, son univers, ses préoccupations n'intéressaient plus grand monde, aujourd'hui. Preuve : l'échec cuisant de Cosmos, inspiré par le roman de son compatriote Witold Gombrowicz. Son seul film en quinze ans, accueilli, il y a quelques semaines, dans une indifférence teintée de mépris.
Andrzej Zulawski est mort le mercredi 17 février. Il avait 75 ans.
 

7 commentaires:

Anonyme a dit…

L'homme qui savait filmer l'abîme des actrices ...
JEAN-LUC31

Inga a dit…

Encore un genie nous a quitté...
Les dernières lignes du cet article sont trop tristes: " Son seul film en quinze ans, accueilli, il y a quelques semaines, dans une indifférence teintée de mépris."

Anonyme a dit…

Je pense que le terme génie pour Zulawski est un peu exagéré .Ce n'est pas parce que c'est tordu ,hystérique , sexuel que c'est génial

JeffBesac a dit…

Je pense que ce n'était pas un excellent directeur d'acteur, Isabelle Adjani et Romy Schneider n'en gardait pas un excellent souvenir de ce cineaste qui les poussait là où elle ne voulait pas allé. Romy Schneider dira plus tard que c'était un tournage malsain.

fredjani a dit…

On aime ou pas ... mais force de constater qu'il a bien fait obtenir une palme à issbflle pouf possession.. donc pas si mauvais que ça..

JeffBesac a dit…

Pour clore le sujet (interview d'Adjani)
Un rôle insupportable pour Adjani
(sources allociné

" Je dois à la "mystique" d'Andrzej Zulawski de m'avoir révélé des choses que je ne voudrais jamais avoir découvertes... Possession, c'était un film infaisable, et ce que j'ai fait dans ce film était tout aussi infaisable. Pourtant, je l'ai fait et ce qui s'est passé sur ce film m'a coûté tellement cher... Malgré tous les prix, tous les honneurs qui me sont revenus, jamais plus un traumatisme comme celui-là, même pas... en cauchemar ! " Studio Magazine

fredjani a dit…

Pourquoi clore un sujet ... je connais ce studio paru en 2002 à la sortie de la repentie ou Isabelle n avait pas sa langue dans sa poche.. cela ne signifie pas qu elle n est pas heureuse aujourd hui d avoir fait ce film mais qu elle ne le referait pas tant celui ci lui a coûté ...

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